Ma démarche
« Bien avant que l'enfant ne crie , expulsé du ventre de sa mère , bien avant que les visages ne se crispent dans la jouissance ou la douleur , bien avant que les danseurs enlacés ne s'animent aux accents de Piazzola, bien avant que la vie et le mouvement tout simplement, l'artiste collecte, chine, s'échine, fouille à la recherche de plateaux dentés de vélo, de fil de fer, de tissus usagés, usés d'avoir été trop portés, de mousses expansées.
Et dans son atelier, vêtue de sa blouse grise , le bout des doigts ganté de colle, souvent à la lumière artificielle de nuits agitées, habitée par la nécessité de donner vie à ses créatures, Eve façonne, malaxe, créé et de cette ruche effervescente se découvrent fébrilement des visions, des obsessions, des personnages familiers, des corps dénudés, des sexes exposés.
Parfois, les femmes sont callipyges, les hommes taureaux. Les corps sont fatigués ou maltraités en écho aux poupées de Bellmer. Parfois aussi les acrobates, les danseurs prennent vie par leur grâce et leur agilité toujours captées avec élégance et une justesse étonnante. Dans cette farandole de roues animées, le mouvement est roi et le monde à nos yeux décillés, nous apparaît tel qu'il est, beau et brutal, séducteur érotique, sale et dégradé. Ici les poupées n'ont pas vocation à bercer les petites filles et les danseurs sont troublés à la cuisse dénudée qui les entoure.
Unvitez-vous au bal des corps dans une furieuse sarabande et sa lucidité perçante libère énergies et pulsions loin des clichés contemporains, si près de nos respirations intimes . »
Pour que la peinture soit forte, énergique, il faut qu'elle comporte une zone de manque, une zone sale, une zone imparfaite.